Le poids des mots...
Le concert contre le racisme et pour la tolérance n’a pas déplacé les foules dans la cité où j’ai été le voir.
Doit-on en conclure que, dans cette ville hautement bigarrée et riche de plusieurs dizaines de nationalités cohabitantes, y’a beaucoup de racistes ? J’espère que non. Je ne sais pas ce qu'il y avait à la TV ce soir-là...
C’était chouette.
Enfin, dans l’ensemble.
Parce qu’il y a quand même eu, malgré une débauche de bons sentiments, des dérapages verbaux ou, dirons-nous, des « expressions d’émotions malheureuses ». Car je crois qu’il s’est agi là plus d’ignorance que de mauvaises intentions. Mais oups quand même.
Y’avait des slameurs et des rappeurs du cru, le genre « poètes urbains », pour user d’une expression à la mode.
L’un d’eux était assez agressif dans le ton et super négatif dans le contenu. Je veux bien qu’ils relatent tous, à la base, la douleur des cités, la dureté de la vie, etc. mais quand même, je ne sais pas si c’est très bon pour les spectateurs, pour leurs cadets, qu’on ne leur évoque pas même une lueur d’espoir, qu’on remue ainsi tout ce qu’il y a de plus mauvais dans son aspect le plus sombre. L’exploitation des peuples, l’esclavagisme, c'est bien réel mais au lieu de se lamenter, il est temps de dépasser cette imagerie, de mettre en avant aussi les grands hommes de tous les peuples, ceux qui ont fait avancer les choses, c’est ça qui motive et donne espoir.
Seul point intéressant : tous ont abordé l’émancipation par le savoir.
Les autres, pour moins agressifs qu’ils étaient, avaient un peu de mal avec le savoir, justement. Aussi négatifs que le premier, d’aucuns ont fait référence nommément à certaines formations politiques (ça ma foi, c’est leur droit. J’eus juste aimé qu’ils développent), mais aussi la Bible ou la Franc-Maçonnerie. Des citations faciles auxquelles ne convenaient pas les images qu’ils leur associaient. C’est au moins aussi démago que les promesses des politiques en place qu’ils fustigeaient, même s’ils n’avaient pas conscience de leurs raccourcis scabreux.
Enfin, certains ont aussi fait mention de la justice de Dieu, des comptes à rendre au Créateur. L’idée était louable dans le sens où ils voulaient signifier que les bonnes actions finissent par être récompensées et les mauvaises, punies, mais je m’offusque du fait qu’on ne s’en réfère pas à la justice des hommes, d’abord. Est-ce qu’ils voulaient sous-entendre qu’ils ne lui faisaient pas confiance ? Ou qu’ils ne lui accordaient aucune valeur ? Dans nos sociétés, on a voulu la séparation entre église et état. C’est une avancée démocratique à laquelle je tiens beaucoup. Et pour moi, s’en référer à la justice divine, c’est fouler au pied la démocratie participative.
Comme dit plus haut, je ne crois pas que les intentions des slameurs aient été mauvaises. Mais quand on prend la parole en public, qu’on veut faire passer un message de paix, de tolérance, de fraternité et de compréhension mutuelle, il me semble nécessaire de mesurer ses mots, ses images, ses références. Pour éviter les mésinterprétations de la part des récipiendaires. Ainsi que l’exacerbation des différences, qui attise le feu des haines.
Il est donc urgent d’apprendre. De revoir un peu les grilles des programmes scolaires pour y intégrer des cours de citoyenneté plus marqués. De vraies leçons sur le fonctionnement de notre pays, de la démocratie. Des cours de religionS, aussi, histoire d’avoir une vision plus globale.
Comme l’a dit très justement le tout jeune leader d’Ete 67 : « comprenez-vous les uns les autres ». Ca me semble en effet être un élément essentiel. Et pour se comprendre, il faut se connaître.
Mais je suis malgré tout très satisfaite de leur présence. Les organisateurs ont pris un risque en laissant monter sur scène des visages peu connus. Au glamour d’un rassemblement de stars belges, ils ont préféré ouvrir la porte à tout qui voulait s’inscrire dans le mouvement. Et ça, c’est vraiment très louable.
Dans nos "vedettes", BJ Scott a été touchante, elle qui parle de son « immigration », puisqu’elle considère notre pays comme sa terre d’accueil. Bien sûr, c’est plus facile de s’intégrer quand on est célèbre, blanche et américaine… Mais elle a eu des mots très beaux. Elle a aussi abordé notre communautarisme – comme Marka au travers d’une chanson clin d’œil sur la Belgitude – en nous rappelant que ce serait pas mal si, déjà, Wallons et Flamands faisaient plus de pas les uns vers les autres. Il ne faut pas aller loin pour rencontrer l'obscurantisme, de fait.
Un autre intervenant de poids dans cette soirée a été Adamo, pas du tout perdu, malgré son étiquette de variété francophone, au milieu de rockeurs purs et durs, de rappeurs, de groupes de reggae. Quand il parle de tolérance et d’amitié entre les peuples, ça sonne vrai. Et lorsqu’il entonne « Inch Allah », c’est le silence d’une écoute respectueuse qui s’installe dans le public.
Une bien belle soirée dans l’ensemble, donc, pourvu que, comme l’a souligné Adamo, on ne se contente pas d’apprécier la musique des autres le temps d’un événement, mais qu’au-delà, on aille vers l’autre pour l’apprécier tout entier…